Jean-Claude Poitras - EncycloModeQC - Musée McCord Stewart

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Jean-Claude Poitras

Né à Montréal, 1949

Création

Depuis 1972

Jean-Claude Poitras, 2019 © Alexis K. Laflamme

Jean-Claude Poitras est l’un des designers de mode québécois les plus respectés et célébrés des dernières décennies. Sa curiosité, sa résilience et son rapport avec les médias et le public ont marqué sa carrière de plus de 30 ans dans l’industrie du prêt-à-porter haut de gamme de Montréal. Ayant connu des hauts et des bas en affaires et vécu de près les énormes changements qui ont marqué l’industrie et les méthodes de production, Poitras n’a jamais rien perdu de sa passion et de son enthousiasme pour la création de vêtements.

Né dans le quartier montréalais de Cartierville en 1949, Poitras commence à s’intéresser très jeune à la mode. Il obtient un diplôme en design de mode de l’École des métiers commerciaux en 1969, et un diplôme en graphisme du Studio Salette en 1971.

En 1972, un prêt de 400 $ de son père lui permet d’ouvrir son premier atelier, Parenthèse, dans le Vieux-Port de Montréal.

Il y conçoit des vêtements et des accessoires pour homme et femme, qui sont vendus à une clientèle privée et à la boutique Lily Simon. Afin de donner un coup de pouce à son entreprise de mode naissante, Poitras accepte en 1972 un poste à temps partiel chez Eaton comme vendeur à la Boutique Adam, le rayon de la mode masculine européenne haut de gamme du grand magasin. Plus tard cette année-là, il ferme Parenthèse pour travailler à temps plein chez Eaton.

Poitras gravit rapidement les échelons chez Eaton, devenant acheteur, puis directeur de la Boutique Adam, et enfin directeur du Salon de l’Ensemble qui se spécialise dans les vêtements pour dame haut de gamme.

Son travail chez Eaton l’amène à se rendre pour la première fois en France et en Italie, ce qui fait naître chez lui une passion pour les voyages qui nourrira sa pratique artistique tout au long de sa carrière. Pour le printemps-été 1993, par exemple, Poitras signe une collection pour femme intitulée La Dolce Vita, dont les vêtements sont inspirés de ses lieux favoris en Italie.

Photographe inconnu, Jean-Claude Poitras chez Beverini, Montréal, 1981. Don de Jean-Claude Poitras, M2005.78.1125, Musée McCord Stewart

En 1976, Poitras accepte un poste chez Beverini inc., une entreprise de confection fondée à Montréal par Auckie Sanft et dirigée par son fils Arthur Sanft. Poitras travaille d’abord comme vendeur pour Peroche, une marque française importée. En 1977, il est promu designer de sa propre collection de vêtements pour femme, une ligne appelée BOF, qui remporte beaucoup de succès dans tout le Canada. Une gamme de vêtements masculins vient s’ajouter en 1978, et une boutique BOF ouvre ses portes rue Saint-Paul Ouest à Montréal en 1979. Poitras quitte finalement Beverini en 1983 afin de poursuivre d’autres projets, et la boutique ferme ses portes peu de temps après.

En 1977, peu après son entrée chez Beverini, Poitras avait également fondé sa propre entreprise : Les modes Jean-Claude Poitras inc. Cela lui permettait d’accorder à des fabricants le droit d’utiliser son nom pour des collections de vêtements, d’accessoires, de vêtements en fourrure et d’uniformes créées en collaboration avec le designer. En 1983, il renomme l’entreprise Nota Bene Design inc. et, avec le soutien d’investisseurs privés, il ouvre la Boutique Jean-Claude Poitras au Centre Rockland à Montréal. Le designer entend créer des collections masculines et féminines spéciales pour la boutique, mais celle-ci fermera ses portes avant la fin de l’année.

De 1983 à 1988, Poitras travaille pour Importations Franck ltée, une entreprise de confection et d’importation de vêtements pour dame fondée à Montréal en 1977 par un couple marié, Annie et Armand Coriat. Poitras signe avec eux des contrats de licence pour fabriquer ses collections féminines, et il conçoit des vêtements pour la marque Ronsard Sport de l’entreprise.

Dans le cadre de son travail chez Importations Franck ltée, Poitras doit se rendre à Hong Kong deux fois par année pour trouver des tissus et superviser la production de ses collections. C’est ce lien avec les fabricants chinois qui l’incite à commencer à travailler avec des tissus de soie.

Durant cette période, ses créations asymétriques, jouant souvent avec la superposition, sont fortement influencées par la mode d’avant-garde japonaise qui a pris le monde d’assaut au début des années 1980.

JEAN-CLAUDE POITRAS - Mode et inspiration - Japon

Jean-Claude Poitras, entrevue réalisée dans le cadre de l'exposition Jean-Claude Poitras - Mode et inspirations, avril 2019, Musée McCord Stewart

Du milieu des années 1980 au début des années 1990, Nota Bene Design permet à Poitras, en vertu de contrats de licence, de produire des collections éponymes pour le maître fourreur montréalais Amsel & Amsel et pour les fabricants de manteaux en peaux lainées International Trademarks Apparel et Sawyer of Napa.

En 1987, Jean-Claude Poitras fonde Poitras Design inc. avec son partenaire d’affaires, Jacques Pelland. Au début, en raison des restrictions imposées par les contrats de licence avec Importations Franck ltée, l’entreprise ne produit que des vêtements pour homme. Des collections pour femme s’ajoutent en 1988.

En 1988, Poitras travaille brièvement pour Le Château comme consultant en design. En 1990, il est invité à créer pour la marque une collection capsule comprenant des complets, des manteaux, des chemises, des pantalons, des chaussures et des accessoires pour homme. Poitras voit en cette collaboration une occasion de rendre ses créations plus accessibles et de rejoindre une clientèle plus jeune. Ce contrat de licence, qui a pris fin en 1991, a été à cette époque le contrat le plus lucratif du designer.

En 1990, faisant équipe avec le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, Poitras Design inc. fusionne avec Irving Samuel Canada inc., le grand fabricant de manteaux et de tailleurs de qualité supérieure. Jean-Claude Poitras devient vice-président directeur de l’entreprise et chef du design et de la production de ses collections, qui sont séparées de la marque Irving Samuel. Il crée des vêtements exclusifs sous sa griffe éponyme et, au printemps 1994, il relance la marque pour femme Bof! en ciblant davantage un marché moyen de gamme. Irving Samuel-Poitras Design ferme ses portes en 1995 après avoir échoué à conclure avec l’Union internationale des ouvriers du vêtement pour dames des ententes qui lui aurait permis de réduire ses coûts. Jean-Claude Poitras est toutefois en mesure de conserver les droits sur son nom alors que l’entreprise déclare faillite.

Peu de temps après la fermeture d’Irving Samuel-Poitras Design, Arthur Sanft offre au designer un nouveau partenariat avec son entreprise, Fashion Société Design inc. Celle-ci fabrique deux collections féminines pour Poitras : Qui m’aime me suive, une ligne de robes et de tenues de soirée, et Bof! qui demeure une ligne abordable à large diffusion. Au milieu de l’année 1998, Fashion Société Design se retrouve en difficulté financière, et Arthur Sanft décide de quitter l’entreprise. Bien qu’elle soit achetée par la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui continue à travailler avec Poitras, elle cessera toutes ses activités à la fin de cette même année.

En 1999, Poitras s’associe à Montréal Mode, une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec créée afin de promouvoir l’industrie de la mode québécoise sur la scène internationale. En investissant 30 millions de dollars dans des entreprises locales, Montréal Mode vise à offrir à un groupe choisi de designers une aide à la production, à la distribution et à la mise en marché. Poitras vend son nom et une partie de son entreprise à l’organisation. En 2000, Poitras quitte Montréal Mode dans la tourmente d’une série de scandales financiers qui frappent l’organisation et qui font les manchettes. Il finira par reprendre ses droits sur son nom. Montréal Mode cessera toutes ses activités en 2001.

Poitras signe sa toute dernière collection prêt-à-porter à l’automne-hiver 2002-2003, une gamme de manteaux pour femme créée pour Me-Jay International inc. Il continue à dessiner des vêtements sur mesure pour une clientèle privée et pour des projets spéciaux.

En 2015, en collaboration avec la brodeuse Jeanne Bellavance et l’atelier de tailleur sur mesure Sartorialto, il crée l’ensemble porté par le journaliste et écrivain canado-haïtien Dany Laferrière pour son entrée à l’Académie française.

On reconnaît souvent le style Poitras par ses coupes amples. Le créateur aime la sensualité des vêtements qui recouvrent presque entièrement le corps, privilégiant une silhouette architecturale et épurée.

Ses collections féminines sont souvent influencées par les vêtements pour homme, s’inspirant du chic masculin à la Marlene Dietrich ou Katherine Hepburn. Durant toute sa carrière, ce sont ses manteaux et ses vêtements d’extérieur qui auront le plus de succès sur le plan commercial. Leur grande qualité et leur élégance ont toujours fait l’admiration de la presse et du public.

Parallèlement à son travail dans la mode, Poitras dessinera de nombreux uniformes durant sa longue carrière, à commencer par celui des animateurs de Radio-Canada pour les Jeux olympiques d’été de Montréal en 1976. Il en a créés également pour la White Cross, Air Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada, Postes Canada, Hydro Québec, le Musée des beaux-arts de Montréal et la Société de transport de Montréal (STM), entre autres.

Toujours influencé par le cinéma, Poitras a aussi dessiné également des costumes pour des films et des pièces de théâtre tout au long des années 1980. Andrée Lachapelle, une amie de longue date du designer, porte une robe Poitras dans le film réalisé en 1989 par Pierre Blackburn, Le jeune homme et la dame.

Poitras a reçu de nombreux prix et distinctions, dont le Fil d’Or de la Maison du Lin à Monte-Carlo en 1989. Il est le premier Canadien à avoir obtenu cette prestigieuse récompense, rejoignant d’anciens lauréats comme Karl Lagerfeld et Gianni Versace. Il est nommé membre de l’Ordre du Canada en 1995. En 1996, il reçoit le titre de chevalier de l’Ordre national du Québec et est promu officier en 2012. Il est couronné meilleur designer de vêtements féminins et masculins à la première édition du gala de la Griffe d’Or, et il reçoit en 2000 le trophée Griffe d’Or Hommage pour l’ensemble de sa carrière.

En 2019, Jean-Claude Poitras poursuit toujours ses activités : design multidisciplinaire, production artistique, enseignement, écriture, conférences et œuvres philanthropiques. Il aime bien qu’en tant que designer de mode, on se souvienne de lui comme du « monsieur qui faisait du beau linge », pour reprendre l’expression d’une de ses clientes. Il a récemment publié le livre Quand la vie défile, qui jette un regard sur la mode au Québec depuis les années 1950. Ses archives et ses créations sont conservées au Musée McCord Stewart, à Montréal et au Musée de la civilisation, à Québec.

Le 17 mai 2019, il est nommé chevalier de l’Ordre de Montréal et devient, à l’automne 2019, le premier créateur de mode à recevoir le prix Ernest-Cormier, l’un des huit Prix du Québec — volet culturel.

L’exposition Jean-Claude Poitras: Mode et inspirations s’est tenu au Musée de la civilisation à Québec du 20 juin au 15 septembre 2019 et au Musée McCord à Montréal du 24 octobre 2019 au 2 août 2020.

Sources

Jean-Claude Poitras, Quand la vie défile. Montréal : Les éditions de l’homme, 2018.

Anne Richer, Jean-Claude Poitras : Portrait d’un homme de style. Montreal : Les éditions de l’homme, 2002.

Date de publication

01/06/2019

© Musée McCord Stewart 2024