Expo 67 - Musée McCord Stewart - EncycloModeQC

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Expo 67

Thématique

1967

Chapeau d'hôtesse, pavillon du Québec, Anita Pineault, 1967. Don du pavillon du Québec, M967.93.2 © Musée McCord

Première Exposition universelle et internationale du Canada, Expo 67 fut l’un des faits saillants de l’histoire de Montréal, du Québec et du Canada. Sur le site futuriste et onirique créé principalement sur les îles Sainte-Hélène et Notre-Dame au milieu du fleuve Saint-Laurent, les 90 pavillons d’Expo ont accueilli plus de 50 millions de visiteurs entre le 27 avril et le 29 octobre 1967.

Images, expositions, spectacles – Expo 67 a emprunté diverses avenues pour exprimer sa vision optimiste et avant-gardiste du monde.

Son message et son médium ont suscité un écho favorable dans le milieu de la mode canadien. Les créateurs et les autres joueurs de l’industrie ont su reconnaître et saisir les nombreuses occasions offertes par Expo, intégrant la mode dans un mélange moderne d’art, d’architecture, de technologie et de design. Dans les années ayant précédé Expo, et plus particulièrement durant l’été 1967, la mode s’est révélée à Montréal dans toute son effervescence.

Si relativement peu d’activités organisées ou officielles axées sur la mode ont été offertes lors de cet événement novateur, les créateurs, les promoteurs et l’industrie ont veillé à braquer les projecteurs sur celle-ci, servant les ambitions des acteurs de la mode, et de ceux du projet d’Expo 67 dans son ensemble. Ainsi, tandis que les organisateurs révélaient au monde leur vision d’Expo – cosmopolite, futuriste et exaltante – les pages doubles des magazines de mode sont devenues une forme de publicité de prélancement non officielle de l’événement. Offrant une toile de fond photogénique, Expo fut le site de nombreuses séances de photos de mode pendant presque deux ans avant son inauguration, les images servant de complément aux photographies officielles, au bénéfice de la mode comme d’Expo 67.

Le projet de mode le plus ambitieux d’Expo fut sans doute la création d’une collection d’uniformes pour ses hôtesses. Le spectacle visuel des identités nationales modernes mis en scène par Expo 67 ne s’appuyait pas seulement sur l’architecture et les expositions, mais aussi sur la cohorte de jeunes femmes embauchées pour être le visage officiel d’Expo. Chaque jour, entre 1 500 et 1 800 hôtesses offraient une interface humaine très visible et accessible entre le public et le site de même que ses nombreux pavillons. Si les hôtesses devaient parler plus d’une langue et avoir une excellente capacité d’apprentissage pour pouvoir transmettre l’information sur les événements et les programmes proposés à leur pavillon et sur le site, les recruteurs précisaient sans ambages qu’une charmante personnalité et un physique agréable étaient des critères essentiels. Les hôtesses recevaient une formation en soins personnels, apprenant entre autres à se coiffer, à se maquiller, à repasser leurs uniformes et à mettre et retirer leur manteau avec élégance.

Les hôtesses portaient des uniformes distincts selon les nations et les pavillons qu’elles représentaient. Les tenues emblématiques attiraient l’attention du public sur les jeunes femmes. Si plusieurs des uniformes réinventaient le genre par leur côté avant-gardiste, la plupart étaient complétés par le chapeau et les gants traditionnels. D’autres se distinguaient par l’emprunt d’éléments au costume traditionnel de leur pays. Sur le site, ils créaient un langage visuel commun, véhiculant le message humaniste d’Expo prônant l’amitié entre les nations.

Plusieurs pavillons ont choisi des étoiles montantes de la mode ayant déjà acquis une certaine renommée pour traduire leurs idéologies et leurs aspirations dans les tenues de leurs hôtesses.

Pour ces créateurs, il s’agissait d’une occasion rêvée de briller sur la scène internationale. Le jeune couturier montréalais Michel Robichaud a fait les manchettes lorsqu’il a créé l’uniforme bleu ciel des hôtesses officielles d’Expo 67, dont la présence sur l’ensemble du site leur assurait une visibilité inégalée. Il a accessoirisé l’uniforme avec un béret formé de sections bleu foncé, bleu pâle et blanc, reconnaissable de loin. Pour présenter une image professionnelle, une jupe juste au-dessus du genou conservatrice, commune à plusieurs uniformes d’Expo, a été préférée à la mini-jupe du dernier cri.

Robichaud a également habillé les hôtesses des pavillons du Canada, des Indiens du Canada, du Téléphone et de la République fédérale d’Allemagne, en plus d’avoir créé les uniformes du personnel d’Expo pour la CIBC et Hydro-Québec. C’est la maison de couture Serge et Réal qui a remporté le concours de design pour la création de l’uniforme des hôtesses du pavillon du Québec. Le créateur montréalais John Warden a pour sa part habillé les hôtesses du pavillon canadien des Pâtes et papiers, du pavillon du Canadien National et de la Maison Châtelaine. Marielle Fleury a créé l’uniforme du pavillon des Provinces de l’Atlantique. Ces créateurs de Montréal se sont partagé l’attention médiatique avec des designers internationaux de plus grande renommée comme Jean Patou et Jean-Louis Scherrer, créateurs des uniformes français, Sorelle Fontana, qui a habillé les hôtesses italiennes, et Bill Blass, choisi pour dessiner l’uniforme des Américaines.

Au-delà des uniformes d’hôtesses, la mode était surtout mise en valeur dans le cadre de la programmation proposée par les différents pavillons.

Des représentants de l’industrie du vêtement du Canada ont uni leurs efforts pour veiller à ce que la mode canadienne soit en vedette dans un défilé hebdomadaire appelé Le Grand Boum de la mode canadienne, présenté sur la scène extérieure du pavillon du Canada.

Ils ont fait appel à la productrice Iona Monahan pour créer une « extravagante célébration de la mode » qui participerait de la ferveur d’Expo à repousser les limites habituelles du spectacle vers d’autres médias. Chaque jeudi après-midi, 1 000 spectateurs assistaient au défilé qui se déroulait à un rythme endiablé au son de la musique jouée sur scène par des musiciens, tandis que les mannequins paradaient en dansant ou en patins à roulettes. Pour illustrer la force créatrice et la vitalité économique de l’industrie canadienne de la mode, les fabricants rivaux ont accepté l’anonymat. Le défilé couvrait tous les secteurs de la mode : principalement des vêtements pour femme, mais également pour homme et enfant, quelques articles en fourrure, des vêtements sport et des accessoires en tous genres.

Plusieurs autres pays invités à Expo 67 affichaient leurs identités modernes en faisant une place à la mode dans leur programmation. Le plus ardent défenseur de la mode était l’URSS, qui a mené la Guerre froide en montrant aux visiteurs les nombreux aspects faisant d’elle une nation avancée. L’URSS et la Tchécoslovaquie avaient emmené leurs propres mannequins qui participaient quotidiennement à des défilés de mode à leurs pavillons. La République fédérale d’Allemagne et la France n’ont toutes deux présenté qu’un seul défilé de mode sur le site d’Expo, mais ont profité de l’occasion pour organiser des défilés dans d’autres villes canadiennes et américaines. L’Italie et la Grande-Bretagne ont quant à elles utilisé des vitrines statiques pour promouvoir la mode qui faisait leur renommée. La mannequin Twiggy, la sensation mode de l’heure, est venue à Expo et a présenté sa propre ligne de vêtements au magasin Eaton.

Si Expo 67 se voulait un événement culturel sans aucune prétention commerciale, de nombreux secteurs industriels étaient tout à fait conscients des extraordinaires occasions d’affaires dont pouvaient profiter les entreprises canadiennes, particulièrement pour le développement des marchés d’exportation.

La mode ne faisait pas exception, et le secteur de la fourrure, notamment, a profité des possibilités offertes par Expo. Ainsi, des organisations de l’industrie et des entreprises privées n’ont pas tardé à se mobiliser pour donner une grande visibilité à la fourrure et l’associer étroitement à la mode canadienne. Le pavillon du Québec a intégré des fourrures dans ses présentations sur les ressources naturelles. Le fabricant de fourrures de Montréal Grosvenor a fait équipe avec SAGA, l’association scandinave de l’industrie de la fourrure, pour produire deux défilés par jour au pavillon de la Scandinavie. La reine Sirikit de la Thaïlande a eu droit à un défilé privé de vêtements de fourrure organisé par Holt Renfrew.

Mais la mode s’inscrivait aussi dans le message d’Expo de façon plus subtile. Les dignitaires élégamment vêtus, dont les activités étaient couvertes par les médias, contribuaient à leur façon à promouvoir la mode. Marie-Claire Boucher Drapeau, l’épouse du maire de Montréal Jean Drapeau, affichait ouvertement sa fierté civique, voyant dans sa garde-robe officielle une occasion de soutenir les talents locaux. Tout au long de l’été, elle a porté plusieurs tenues signées Michel Robichaud.

En général, la façon dont la mode fut présentée à Expo 67 démontre qu’elle n’avait pas encore fait d’incursion dans d’autres modes d’expression artistique et qu’elle ne faisait pas encore partie des domaines de création reconnus. Si Expo était un forum propice à l’expérimentation dans plusieurs genres créatifs, la mode exhibée sur le site ne sortait que très peu des sentiers battus. Une exception fut une série de robes-concepts créées par Jacques de Montjoye présentées lors d’un défilé de mode de l’Association des couturiers canadiens en juin. Elles témoignaient d’une identité québécoise distincte, des préoccupations de la contre-culture quant aux droits civils et du mouvement antiguerre, faisant entrer la mode dans le territoire de l’art. Les prises de position du créateur de mode étaient d’autant plus provocatrices qu’Expo 67 semblait très loin des remous sociaux de son époque, la trame narrative optimiste de la plupart des expositions occultant les conflits au sein des nations ou entre celles-ci. Un défilé de mode n’était surtout pas le genre d’événement où le visiteur pouvait s’attendre à être placé devant la controverse. En fait, selon les médias, les créations couture des 11 autres designers présentées dans le défilé manquaient un peu d’originalité. L’attention médiatique se tournait déjà vers les idées jeunes et novatrices, et la haute couture était dépassée. L’Association fut dissoute en juin 1968.

La vision genrée de la mode à Expo démontre aussi qu’elle ne s’était pas encore libérée du carcan des concepts traditionnels. Le thème de l’événement, Terre des Hommes, a été choisi à une époque où le mot « homme » englobait apparemment l’ensemble de l’humanité. Pourtant, la mode y fut essentiellement présentée comme un intérêt féminin. Sur les passerelles des défilés comme dans les vitrines statiques des pavillons, la plupart des vêtements étaient destinés aux femmes, même si la majorité des créateurs de renom étaient des hommes. Sur le site, toutefois, Expo comme la mode étaient appréciées de tous.

Si la mode en vedette à Expo 67 allait sembler démodée dès l’année suivante, la notion que Montréal était à l’avant-garde des idées nouvelles, et que la mode faisait partie de ce que la ville avait à offrir, était maintenant gravée dans l’esprit du public.

Des uniformes d’hôtesses et de nombreux autres vêtements portés ou présentés à Expo 67 sont conservés dans les collections du Musée McCord.

Date de publication

01/10/2004

Rédaction

Dicomode

Dernière révision le
01/02/2019 Suggérer une modification

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