À gauche : Molleton avec logo et pantalon « Fringed Cowboy », vers 1979. Don de Nicola Pelly, M2019.121.3, 17, Musée McCord
À droite : Combinaison, 1979-1980. Don de Nicola Pelly, M2019.121.61, Musée McCord
Véritable phénomène des années 1980, pendant une quinzaine d’années, les créateurs montréalais Harry Parnass et Nicola Pelly ont fait de la signature Parachute un succès créatif et commercial à l’échelle planétaire, ébranlant en particulier les pôles nord-américains que sont New York et Hollywood.
Formé aux États-Unis en architecture et en design urbain, Harry Parnass (Leipzig, Allemagne, 1935) enseigne à l’Université de Montréal lorsqu’il commence sa carrière dans l’industrie de la mode en 1964. Consultant pour la nouvelle chaîne québécoise Le Château, il conçoit d’abord l’aménagement des magasins, puis dessine des vêtements originaux qui connaissent un succès immédiat. En 1977, Le Château embauche Nicola Pelly (Leamington Spa, Angleterre, 1948) pour seconder Parnass à la création de vêtements; une forte complicité s’instaure aussitôt entre eux. Quelques mois plus tard, les deux designers devenus compagnons de vie quittent Le Château, créent la société Parnass-Pelly Limitée, puis ouvrent en 1978 leur première boutique Parachute, sur la rue Crescent à Montréal.
Dès le départ, avec ses combinaisons d’inspiration militaire et ses vestes croisées en tissu souple, l’esprit Parachute fait fureur. Malgré l’absence de vitrine et d’enseigne, la boutique attire aussitôt une clientèle nombreuse. Les commentaires élogieux de la chroniqueuse Iona Monahan, du quotidien The Gazette, contribuent à faire connaître la nouvelle marque au Québec.
Bientôt, des clients viennent de New York et de Boston pour magasiner chez Parachute.
Tablant sur la popularité de leurs premières créations, Parnass et Pelly s’amusent à créer librement les vêtements qui leur plaisent. Après quelques mois d’activités, le duo entrevoit la possibilité d’une expansion à grande échelle et s’y engage aussitôt en inaugurant une nouvelle boutique à Toronto en 1979.
L’ouverture du premier point de vente aux États-Unis, à New York en 1980, est un moment charnière de l’histoire de Parachute. La boutique est établie dans le quartier SoHo, dans un local de plus de 2 000 mètres carrés, un luxe d’espace dont seulement une infime partie est occupée par les vêtements. Conçue comme une place publique, la boutique ne comporte aucun miroir et les cabines d’essayage sont placées en plein centre de l’espace, favorisant les interactions entre les visiteurs. L’opération est risquée, mais c’est justement cet esprit d’initiative et de témérité qui réussira à Parnass et Pelly tout au long de leur carrière.
Dans leur nouvelle boutique, ils offrent aux New-Yorkais des vêtements de mode avant-gardistes, dans un univers éthéré, meublé de métal, d’écrans télé sur fond de béton industriel.
Les acheteurs accourent. Rapidement, les vêtements Parachute se retrouvent dans les grands magasins les plus prestigieux aux États-Unis, les Macy’s, Saks Fifth Avenue, Neiman Marcus et Bergdorf Goodman. Dès le début des années 1980, la marque Parachute est offerte dans près de 150 boutiques aux États-Unis.
À l’automne 1981, la compagnie italienne Lavori in corso commence à distribuer les créations Parachute en Europe. Quelques mois plus tard, devant l’engouement que soulèvent les vêtements, le distributeur négocie une licence pour produire Parachute en Europe. Au même moment, la compagnie japonaise Aida Corporation distribue la marque au Japon. Jusqu’en 1985, Parachute connaît un développement fulgurant. Des boutiques sont ouvertes en Arabie saoudite, au Liban, en Australie; à son apogée Parachute compte quelque 400 points de vente sur le globe, dont 200 à travers l’Europe. Parnass et Pelly supervisent depuis Montréal leurs magasins et leurs fabricants dans 15 pays, parmi lesquels figurent la Turquie, l’Italie, le Japon, la Corée et Hong Kong. Au début des années 1990, Parachute atteint un chiffre d’affaires annuel de 50 millions de dollars.
La presse internationale de la mode et des affaires salue ce raz-de-marée venu de Montréal qui a pour nom Parachute. Autant dans la chronique locale qu’aux États-Unis, en Europe et au Japon, le succès rapide de Parachute est cité en exemple. Le monde du design admire l’intégration des vêtements et de l’espace dans les boutiques Parachute (notamment la revue Progressive Architecture). Les vêtements Parachute, conceptuels et volontaristes, séduisent les stars américaines.
Lors du célèbre Live Aid Concert, mégaconcert de charité organisé par Bob Geldof et Harvey Goldsmith en juillet 1985, Parachute habille plus d’une vingtaine de vedettes rock parmi les plus populaires au monde.
Madonna, Peter Gabriel, Sting, Mick Jagger, Stevie Wonder et Duran Duran deviennent clients de Parachute. Habillant les principaux acteurs de la très populaire série télévisée Miami Vice, Parachute étend son influence aux jeunes cadres et professionnels.
Jusqu’à la fin des années 1980, la marque continue sur sa lancée, mais au tournant des années 1990 c’est le commencement de la fin. La gestion de l’entreprise exige beaucoup de Parnass et Pelly, qui manquent de temps pour la création. En plus du contexte, qui n’est plus aussi favorable, la naissance de son deuxième enfant en 1992 décide le couple à mettre un terme à l’aventure Parachute en 1993.
Parachute était en symbiose avec les années 1980 – ce fut à la fois la force et la faiblesse de la marque. Après deux décennies d’individualisation de la mode dans les années 1960 et 1970, les années 1980 voient la résurgence de styles forts et rassembleurs, qui imposent une vision. On voit le retour de l’affirmation par la consommation, on arbore fièrement les signatures et les logos. Parachute profite au maximum de ce retour du balancier. Comme plusieurs des nouveaux créateurs européens des années 1970 et 1980, le tandem Parnass-Pelly s’inspire de l’attitude punk, des cultures du monde et de l’esthétique constructiviste russe des années 1920 pour concevoir des vêtements fortement structurés, des « vêtements armures ».
Avec les années 1990, la tendance de fond reprend le dessus, les armures apparaissent soudain trop rigides et chacun se targue de composer son style en mariant les éléments qui lui conviennent.
De plus, les vêtements Parachute sont non seulement intégrés dans l’ambiance d’une époque, mais aussi dans l’environnement physique des boutiques. Ce trait de génie de Parnass, d’avoir su associer un style vestimentaire et un cadre architectural pour en faire l’« esprit Parachute », a pour pendant que les vêtements laissés à eux-mêmes perdent une part de leur impact.
En Amérique du Nord, au Japon et en Europe, jusque dans les bastions londoniens et parisiens de la mode, Parachute a joué un rôle d’éclaireur dont a bénéficié toute l’industrie. À ce titre, Parachute figure parmi les emblèmes de la mode des années 1980.
L’exposition Parachute : Mode subversive des années 80 s’est tenu au Musée McCord Stewart du 19 novembre 2021 ou 24 avril 2022. L’exposition présentait près de 70 ensembles androgynes et avant-gardistes, dont deux ensembles de scène provenant de la collection personnelle de Peter Gabriel, plus de 140 documents d’archives (croquis, publicités, photographies de mode et d’événements de la scène nocturne montréalaise), ainsi que des entrevues exclusives, des extraits vidéo de défilés et de concerts.
Parachute : mode subversive des années 80
Parcourez les salles de l’exposition © Musée McCord Stewart, 2022
Sources
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Beirne, Anne. « Golden Parachute : Two High-Fashion Clothiers Tell The SoHo Crowd How Best to Dress », Canadian Business, vol. 58, no 2, février 1985, p. 26 et 30.
Burke, Dan. « Fashion. Parachute’s High-Flying Success », Maclean’s, vol. 99, no 45, 10 novembre 1986, p. 62 et 64.
Doubilet, Susan. « All the World’s a Stage », Progressive Architecture, septembre 1984, p. 86-92.
Dumas, Jocelin. « Parachute : une voilure qui couvre le jet-set », Le Devoir économique, vol. 1, no 2, octobre 1985, p. 30-31 et 35.
Dunn, Brian. « Parachute Lands in Fast Lane. Montreal-Designed Fashions a Hit in Lucrative U.S. Market », The Gazette Business, Montréal, 16 mars 1985.
Goodwin, Betty. « Urban-Armor Concept Tells the World Who You Are », Los Angeles Times, 8 février 1985.
Harting, Diane. « Super Ego. Parachute, an attitude/un style de vie », Ego. The Men’s Fashion Magazine/Le magazine de la mode masculine, vol. 1, no 4, octobre 1986, p. 26-28 et 62.
Sgroi, Barbara. « The Parachute Club », Flare. Canada’s Fahion Magazine, mars 1984, p. 102-109.
Wagner, Michael. « Design Practice: Harry Parnass Parachutes to Success With Unorthodox Tactics to Inspire Up and Comers », Interiors, mai 1986, p. 364.
Date de publication
01/10/2004
Rédaction
Dicomode
Révision
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