Robe Cygne Noir, Christian Dior, achetée chez Henri Bendel Inc., vers 1950. Don de Margaret Rawlings Hart, M967.25.9.1-3 © Musée McCord
Les modèles dits « sous douane » étaient des vêtements couture européens importés aux États-Unis pour servir de sources d’inspiration, pour ensuite être exportés, habituellement au Canada, afin d’éviter de payer les droits de douane. Des années 1950 jusqu’au début des années 1970, ces vêtements formaient une part importante des modèles couture importés vendus au Canada. Bien représentés dans les collections muséales, ils sont souvent identifiables par une étiquette en tissu sur laquelle des informations sont inscrites au crayon, comme le nom d’une boutique américaine.
La haute couture française était reconnue pour être extrêmement onéreuse. Les vêtements couture italiens étaient d’une qualité similaire, mais moins coûteux.
Dans les deux cas, les maisons de couture imposaient aux boutiques des prix beaucoup plus élevés qu’à leur clientèle, parce que le prix d’achat des magasins incluait le droit de reproduire le modèle.
Comme les droits de douane exorbitants perçus sur ces prix élevés auraient rendu inabordable l’importation des pièces, les magasins américains se les procuraient hors taxes, mais sous douane, ce qui signifiait qu’il leur était interdit de les vendre au pays. En vertu de ce système, les modèles couture arrivaient aux États-Unis chaque saison, en une seule cargaison. Dès leur arrivée, les vêtements étaient enregistrés par les douanes et identifiés par une plaquette de métal insérée à l’intérieur d’une couture, indiquant qu’ils étaient sous douane. Après un délai déterminé, habituellement six mois, renouvelable une fois, la caution arrivait à échéance. À ce moment-là, pour éviter de payer les droits de douane en plus d’une lourde pénalité, l’acheteur devait retourner les vêtements à la source, les détruire, ou les exporter. Les vendre dans un autre pays offrait le meilleur rendement du capital investi, et représentait la solution la plus pratique.
Le Canada et l’Amérique du Sud constituaient de bons débouchés pour les vêtements lorsque les magasins américains n’en avaient plus besoin. Les magasins canadiens s’entendaient souvent avec les boutiques américaines pour acheter des lots entiers de modèles sous douane. Ils achetaient aussi des vêtements individuels auprès des fabricants. Dans tous les cas, les magasins pouvaient acheter des modèles à une fraction du prix initial, et réaliser un profit même en les revendant à bas prix.
Au Québec, les modèles sous douane étaient vendus principalement à Montréal par les magasins Ogilvy et Holt Renfrew, de même que chez Eaton, Simpsons et Morgan. La clientèle régulière de ces établissements était avisée des nouveaux arrivages, et considérait les modèles sous douane comme un privilège dû à son statut.
Mais les modèles sous douane avaient aussi quelques inconvénients. Offerts en une seule taille, les vêtements ne s’adressaient qu’aux clientes à la silhouette élancée. Les modèles étaient également usagés, puisqu’ils avaient été portés par des mannequins sur deux continents, possiblement plusieurs fois. Ils présentaient souvent des signes d’usure évidents, et certains éléments pouvaient manquer. Certains avaient même été défaits et réassemblés. Lancés sur les passerelles plusieurs mois, voire un an auparavant, les modèles n’étaient donc plus du dernier cri.
Le système des vêtements sous douane a joué un rôle majeur dans la disponibilité des créations couture européennes au Québec, en plus d’avoir créé une niche lucrative pour la couture parisienne et constitué une importante source d’inspiration pour l’industrie de la mode nord-américaine.
Date de publication
01/02/2019
Rédaction
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