La modiste Lola Lanyi est née Lola Viola Erdesz en Tchécoslovaquie. Après des études sérieuses en musique durant sa jeunesse, elle épouse Armand Stephen Lanyi. Ce n’est qu’après la naissance de ses deux enfants qu’elle commence à s’intéresser à la chapellerie, un intérêt qui la mène à Paris où elle obtient un diplôme de l’école de chapellerie de Cours Mozart en 1931. Elle retourne dans son pays natal à Nitra, passe des examens pour être exemptée d’un apprentissage obligatoire de trois ans et commence à travailler dans un salon de chapeaux qui fait le genre de travail qui l’intéresse.
En 1938, alors qu’elle s’apprête à ouvrir son propre salon et que ses deux filles étudient à Vienne, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie pousse la famille à partir. Les enfants de Lanyi sont envoyées en Belgique et elle-même se rend à Londres où elle décroche un travail de gouvernante. La vente de quelques pièces d’argenterie et du manteau de fourrure de Lanyi permet à la famille de se réunir et de payer le prix d’un passage pour le Canada. Ils s’établissent d’abord à Brantford, en Ontario, espérant devenir fermiers, un projet qui s’avère un échec. Après deux années difficiles, la famille s’installe à Montréal où Lanyi commence à créer des chapeaux, encouragée par son mari.
Les Lanyi se lancent dans le commerce en gros, vendant leurs produits aux grands magasins canadiens.
Après la guerre, pendant laquelle l’importation de chapeaux était interdite,les chapeaux de Lola Lanyi se distinguent par un degré de sophistication, un travail soigné et une qualité de matériaux alors incomparables sur le marché canadien1.
Au milieu des années 1940, ses créations sont très présentes dans les pages mode des journaux et des magazines. Si c’est le nom de Lola qui figure sur l’étiquette, son mari Armand est tout aussi impliqué dans l’entreprise. Il devient son acheteur et trouve des matériaux auprès de petits importateurs ignorés par les grands fabricants. Lorsqu’ils viennent à manquer de fleurs en soie, elle commence à en fabriquer elle-même pour ensuite en confier la confection à des fabricants, trop heureux de pouvoir profiter de son talent de créatrice pour un produit qu’ils peuvent aussi vendre ailleurs.
Elle devient réputée pour ses chapeaux bordés de fleurs offerts dans des couleurs vives et contrastées, qu’elle sait utiliser avec raffinement.
En 1946, le prix de ses chapeaux est d’environ 60 $, incluant une marge brute de 50 % pour le magasin, mais c’est un prix très élevé pour l’époque2. Lorsqu’elle avait commencé à vendre ses chapeaux en gros, elle avait eu du mal à obtenir le financement dont elle avait besoin, car les grands magasins pouvaient prendre de 3 à 6 semaines pour payer sa marchandise. C’est grâce à son épicier à Montréal qui lui a offert de la soutenir financièrement qu’elle a pu continuer à exercer ses activités3.
On dit de l’atelier du couple qu’il est sans prétention. Les deux travaillent de l’appartement où ils vivent, au 648, rue Sherbrooke Ouest, recevant le public dans une vaste pièce à l’avant tapissée de photographies, de coupures de journaux et de publicités. Sur les tables et les chaises s’empilent du matériel de couture et des chapeaux en cours de fabrication4.
Lanyi crée ses modèles en réalisant des croquis, mais aussi en manipulant les matériaux directement sur une forme.
Elle dessine ses propres formes à chapeaux, qu’elle fait fabriquer soit à Montréal, soit à New York.
Ses chapeaux à larges bords ne sont pas faits avec des « calottes », mais plutôt avec des tresses de paille qui doivent être cousues en spirale sur la forme. En 1946, elle a quatre employées dans sa salle de travail, et elle inspecte personnellement chaque chapeau avant qu’il ne quitte l’atelier.
Selon la journaliste qui l’a interviewée en 1946, Lola Lanyi était une femme réservée. L’anglais n’étant pas sa langue maternelle, elle s’exprimait de manière hésitante. Elle mesurait environ 1,63 mètre, avait un teint pâle et des yeux foncés. Elle portait ses cheveux foncés tirés vers l’arrière en un chignon. Elle avait une préférence pour les robes noires toutes simples5.
Après la mort d’Armand en 1948, Lola Lanyi a continué à créer des chapeaux sous sa marque jusqu’à la fin des années 1960, attirant toutefois très peu l’attention de la presse et faisant beaucoup moins de publicité comparativement aux années où le couple travaillait ensemble. Ses chapeaux étaient annoncés comme des produits exclusifs chez La Baie dans l’Ouest canadien et Freiman’s à Ottawa, mais il n’y avait aucune publicité dans la presse montréalaise. Plus tard dans sa vie, elle s’est fait un nom comme artiste amateur multidisciplinaire, faisant de la peinture, de la sculpture et de la joaillerie avec des cailloux et du bois de grève provenant des lacs des Laurentides6.
Sources
1. LeCocq, Thelma. « High Hatter », Maclean’s, vol 59, no 11, 15 mai 1946, p. 18, 60-63.
2. LeCocq, Thelma. « High Hatter », Maclean’s, vol 59, no 11, 15 mai 1946, p. 18, 60-63.
3. LeCocq, Thelma. « High Hatter », Maclean’s, vol 59, no 11, 15 mai 1946, p. 18, 60-63.
4. LeCocq, Thelma. « High Hatter », Maclean’s, vol 59, no 11, 15 mai 1946, p. 18, 60-63.
5. LeCocq, Thelma. « High Hatter », Maclean’s, vol 59, no 11, 15 mai 1946, p. 18, 60-63.
6. Montreal Gazette, 8 juillet 1963.
Date de publication
17/02/2023