Photo fournie par Jack Victor Ltd
Jack Victor est une entreprise familiale de confection de costumes en activité depuis plus de 110 ans. La compagnie a vu le jour lorsqu’un immigrant roumain du même nom est arrivé à La Tuque, au Québec, en 1907 à l’âge de 20 ans, et a commencé à faire du porte-à-porte pour vendre des vêtements qu’il transportait dans un sac sur son dos. La Tuque était un point de jonction sur la ligne de chemin de fer en expansion, et la clientèle de Victor a grandi avec la ville. Quelques années plus tard, il avait ouvert une petite boutique ayant pignon sur rue dans l’unique hôtel de la ville, qui est devenue très populaire. Vendant des meubles et des chaussures en plus des vêtements, il a ouvert peu de temps après des succursales dans les villes québécoises de Montmagny, Drummondville et Cobalt, de même qu’à Elk Lake, en Ontario.
Voyageant souvent aussi loin au sud qu’à Montréal pour rencontrer des fournisseurs et des clients, Victor y fait la connaissance de sa future épouse et décide d’accepter un emploi de vendeur à la Royal Brand Clothing Company afin de s’établir dans la ville. Même durant la Grande Dépression, Victor continue de vendre avec succès dans tout le Canada, et la compagnie le nomme associé. C’est dans ce rôle qu’il crée une division de sur-mesure, qu’il produit des uniformes pour l’armée durant la Seconde Guerre mondiale et qu’il développe un produit appelé le manteau « Alpacama » – un vêtement d’extérieur léger en laine d’alpaga et de lama.
Lorsque ses associés de la Royal Brand Clothing Company décèdent en 1947, Jack Victor rachète leurs parts à leurs héritiers. Devenu l’unique propriétaire de la compagnie, il en change le nom pour Jack Victor & Sons Ltd., ses fils Herschel et Arthur s’étant joints à lui dans l’entreprise.
Les années 1950 sont synonymes de grande croissance pour Jack Victor. Un bâtiment de 3 252 mètres carrés abritant la manufacture et le siège social de la compagnie est construit sur la rue Saint-Alexandre au centre-ville de Montréal. Alors que d’autres fabricants de vêtements s’établissent au nord du centre-ville, Victor préfère demeurer près de ses clients et de la clientèle des grands magasins. Durant cette période, la compagnie commence à se concentrer un peu plus sur les costumes que sur les manteaux, et offre une nouvelle gamme de vêtements pour hommes sous la marque Shipley. La ligne connaît un beau succès dès son lancement, grâce en partie à l’embauche de l’artiste de spectacle Bob Hope pour en faire la promotion.
À la mort de Jack Victor en 1958, ses fils, alors dans la trentaine, prennent les rênes de la compagnie. Herschel et Arthur en assurent la direction durant une période où la production nationale est en plein essor et où la concurrence est forte sur le marché du vêtement pour hommes au Canada. Ils relèvent le défi en faisant preuve de souplesse, s’adaptant aux tendances qui dominent alors la culture populaire, notamment les costumes étroits du style mod inspiré de Londres, qui a ensuite cédé la place aux styles « dandy » des années 1970 – vestons croisés, costumes trois pièces à larges cols et revers, pantalons à pattes d’éléphant et cravates colorées.
Bien que Jack Victor & Sons soit en mesure d’accroître sa production tout au long des années 1970, la concurrence étrangère commence à affaiblir le secteur manufacturier canadien en général. La compagnie attribue sa survie et sa prospérité durant cette période à une « gestion conservatrice » et à sa « réputation d’offrir un excellent rapport qualité-prix ». En 1982, elle lance une nouvelle gamme de costumes et de vêtements d’extérieur sous l’étiquette Savile Row (en misant sur le lien avec le style britannique) et collabore avec la marque anglaise Aquascutum.
L’entreprise poursuit sa percée sur le marché américain alors que l’accord de libre-échange de 1988 entre les États-Unis et le Canada (devenu l’ALENA en 1994) entraîne une baisse de la valeur relative du dollar américain. Sous l’étiquette Jack Victor, la compagnie peut vendre ses propres collections aux États-Unis, en mettant l’accent sur les costumes et les manteaux sport taillés dans des tissus italiens raffinés qui ont la cote sur ce marché. En 1994, elle peut ouvrir ses premières salles d’exposition et un bureau de vente aux États-Unis, continuant à renforcer sa position dans les grands magasins et les boutiques spécialisées. En 2011, la compagnie réalise 70 % de ses affaires aux États-Unis.
Les années 1990 se déroulent sous le signe d’une reconnaissance et d’une promotion continues de la marque.
La compagnie décroche en 1996 le prix de la Griffe d’Or du meilleur fabricant de vêtements pour hommes au Québec lors d’une cérémonie télévisée.
Désirant accroître sa présence dans les médias, Jack Victor fait appel à de grandes vedettes sportives venant du monde du baseball, des sports motorisés et du football pour des campagnes de publicité imprimées. Avec le retour à Montréal du fils de Herschel Victor, Alan, venu de Californie pour se joindre à l’entreprise familiale, la marque Jack Victor est prête à entreprendre un nouveau chapitre sous la direction d’une nouvelle génération.
Herschel s’est éteint en 2011 après avoir passé 64 années au sein de l’entreprise. Il était alors reconnu comme « le doyen de l’industrie nord-américaine du vêtement sur mesure », non seulement en raison de ses connaissances approfondies et de ses relations dans ce domaine, mais également pour sa philanthropie exemplaire, notamment en santé et en éducation. Au moment de son décès, il avait reçu l’Ordre du Canada, la Médaille du Gouverneur général et des distinctions de son alma mater, l’Université McGill.
La croissance de la compagnie s’est poursuivie tout au long des années 2000, grâce en grande partie à l’acquisition de plus petites marques, dont Riviera Trouser et David Donahue, et des partenariats de licences avec d’autres grands noms, notamment Ted Baker et le créateur montréalais Robert Barakett. L’entreprise a habilement adapté son offre aux marchés existants de ces marques, et réussi à croître suffisamment pour acheter une deuxième et une troisième manufacture à Montréal et employer jusqu’à 1 000 personnes.
Célébrant le 100e anniversaire de l’entreprise en 2013, les dirigeants ont expliqué sa longévité par le mariage entre les traditions des talentueux immigrants juifs des vieux pays qui sont venus en Amérique du Nord en apportant avec eux les valeurs de la confection européenne, et la technologie et les installations modernes dont ils disposaient à Montréal au sein de la communauté manufacturière nord-américaine.
Sous la direction d’Alan Victor, la compagnie s’est concentrée à développer son offre en ce qu’il a appelé une « collection style de vie complète », continuant d’y greffer de nouvelles catégories de vêtements comme des tricots en jersey, des blousons en suède, des chemises sport imprimées et des pantalons à cinq poches. Elle a recruté des dirigeants provenant d’entreprises à succès, dont Michael Kors, et équilibré sa principale activité commerciale, la confection de costumes, en proposant des articles liés à un style de vie plus décontracté qui ont gagné en popularité, surtout depuis la pandémie de la Covid-19.
Toujours aussi fière de fabriquer à Montréal, l’entreprise offre aussi des options sur commande par l’entremise d’un petit nombre de détaillants haut de gamme et elle possède depuis 2022 un site de commerce électronique.
Sources
Hustak, Alan. « Herschel Victor found success sticking to the classics », The Globe and Mail, 31 mai 2011. Lien externe
Maglio, Diane, Elliot C. Travalino et Mathias Vestergaard. One Hundred Years, Jack Victor: Our Story and the World of Men’s Tailoring, 1913-2013, Montréal, Jack Victor Limited, 2014.
Palmieri, Jean E. « The Transformation of Jack Victor on Eve of 110th Anniversary », WWD, 19 septembre 2022. Lien externe
Jackvictor.com Lien externe
Date de publication
01/10/2004
Rédaction
Dicomode
Révision
Laura Snelgrove
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