Ensemble (détail), Marielle Fleury, 1966. Don de Marielle Fleury Boutique Inc., M972.104.4.1-4 © Musée McCord
En 1966, le ministère de l’Industrie et du Commerce du Québec a donné le coup d’envoi à une mission commerciale axée sur la mode, qui a pris la forme d’une tournée dans quatre villes européennes – Paris, Bruxelles, Milan, et Londres – en mai et juin de la même année.
La mode québécoise en voyage avait pour but de faire de la publicité pour Expo 67 et d’attirer des visiteurs à Montréal, sans aucune ambition commerciale vis-à-vis les collections présentées.
Le thème : une garde-robe pour un voyage à Montréal l’été prochain. Deux collections de neuf vêtements ont été créées par Marielle Fleury et Michel Robichaud, dans des tissus artisanaux des tisserands Édith Martin de Trois-Pistoles et Lucien Desmarais de Montréal, de même que dans des tissus de fabrication industrielle de Bruck Silk Mills.
L’objectif de la mission énoncé par Gérard D. Lévesque, ministre de l’Industrie et du Commerce, en collaboration avec Pierre Laporte, ministre des Affaires culturelles, était de « faire connaître à l’étranger la mode québécoise qui déjà au Canada s’est acquis une réputation des plus enviables ». Dans le matériel de promotion largement distribué, ils vantaient le mérite des deux créateurs de vêtements, mais aussi d’Irène de Montréal, qui avait créé plusieurs des chapeaux, de Pierrette Leclaire, créatrice des boutons en émaux sur cuivre, de Walter Schluep, qui avait conçu les bijoux, et de Donald Poulin, délégué par l’Association des coiffeurs-créateurs canadiens pour coiffer les mannequins. Les chaussures provenaient de la maison Cristina et de Wallace Footwear Ltd. Le communiqué de presse soulignait en outre les forces de l’industrie du vêtement au Québec et le rôle joué par le gouvernement dans l’établissement d’écoles d’enseignement spécialisé depuis un quart de siècle, ayant permis l’épanouissement des talents.
La tournée s’est d’abord arrêtée à Paris le 27 mai, au Cercle France-Amérique, pour ensuite se rendre à Bruxelles le 31 mai, à l’Ambassade du Canada, à Milan le 10 juin, à la Maison du Québec, et enfin à Londres le 13 juin, à la Maison du Québec.
Dans chaque ville, les mannequins Lise Carreau, Nicole Deslauriers et Lise Tremblay étaient photographiées dans les rues, prenant la pose avec les gardiens de la tour de Londres et les « bobbies », devant des cafés parisiens et les marches de l’Opéra de Paris, à côté du Manneken-Pis de Bruxelles ou devant la cathédrale de Milan. Les photographies étaient largement distribuées aux médias.
À chaque présentation en salle, pendant que les mannequins défilaient, Robichaud et Fleury, en coulisses, donnaient une brève description de chacun de leurs neuf modèles. La collection de Fleury multipliait les références à l’artisanat traditionnel québécois. Le défilé de Robichaud prenait fin avec un uniforme d’hôtesse qu’il avait créé pour Expo 67, rappelant ainsi l’objectif premier de la mission.
En général, la couverture médiatique au Québec et au Canada fut très favorable à la mission – l’événement mode le plus important au pays depuis la présentation des uniformes d’hôtesse créés par Robichaud pour Expo 67 en octobre 1965. C’est le magazine Châtelaine qui lui a accordé la plus grande visibilité. Un éditorial illustré de quatre pages y était consacré dans son numéro de juin 1966, affirmant que ce serait un « grand départ pour la mode canadienne ».
Jusque-là, au Québec, les maisons de mode actives sur les marchés canadiens ou nord-américains avaient rarement cherché à associer leurs produits ou leurs réussites à la notion de lieu. Néanmoins, dans ce cas-ci où la mode fut promue par la voie diplomatique, et exhibée dans des lieux où l’identité du design – « mode parisienne » et « mode italienne », par exemple – était un outil de marketing éprouvé, la « mode québécoise » mettait l’accent sur une différenciation et une identité de design distincte justifiées par le territoire et l’histoire, imbues d’un sentiment de fierté envers un caractère national unique. Cette attestation d’un talent et d’une identité exportables s’est traduite dans l’immédiat par une incitation aux manufacturiers de prêt-à-porter, jusque-là réticents, à engager des créateurs québécois et à produire et promouvoir des collections griffées.
La tournée a atteint, voire subtilement dépassé ses propres objectifs, suscitant une prise de conscience, au pays, que le talent des couturiers québécois méritait l’attention des Européens dans un domaine largement dominé par ces derniers.
Ayant arrimé un héritage artisanal et culturel particulier au projet résolument moderne d’Expo 67, La mode québécoise en voyage se distingue comme un jalon unique dans la création d’une signature mode au Québec.
Date de publication
01/10/2004
Rédaction
Dicomode
Révision
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