Chapeau, Yvette Brillon, 1950-1951. Don de Nicole Thibodeau Charrette, M2016.20.2.1-3, Musée McCord Stewart
Yvette Brillon commence à fabriquer des chapeaux comme apprentie dès 1918, alors qu’elle n’a pas tout à fait 12 ans, pour une dame Fafard dont l’établissement est situé au coin de l’avenue du Mont-Royal et de la rue Rivard. La tête pleine de rêves et d’ambition, Yvette Brillon ne se doute pas qu’elle deviendra la grande chapelière de Montréal et une des premières femmes d’affaires francophones.
Elle apprend tous les rudiments du métier en travaillant notamment au Palais des Modes, de 1922 à 1933, où elle acquiert l’expérience à la fois de la confection et de la vente.
À 26 ans, elle ouvre sa première boutique de chapeaux, rue Saint-Denis, dans un local qui se révèle immédiatement trop exigu.
Son succès est rapide et elle peut bientôt aménager un véritable salon de mode, en 1936, dans un autre local de la rue Saint-Denis occupé jusque-là par le grand restaurant français Kerhulu.
On compte alors à la douzaine les petits commerces de chapeaux, avenue du Mont-Royal et rue Saint-Denis, tenus par des chapelières qui font honnêtement leur travail, dans des locaux exigus et aidées de deux ou trois employées. Mais lorsqu’on entre chez madame Brillon, au 1280-1284 de la rue Saint-Denis, on voit tout de suite la différence. La richesse du décor séduit les clientes les plus exigeantes : des douzaines de miroirs aux cadres dorés, de jolies tables, des consoles, des chaises capitonnées et surtout une moquette, élément très rare dans les boutiques de chapeaux de l’époque.
Quelques années plus tard, vers 1945, le vieil immeuble de la rue Saint-Denis revêt un cachet si luxueux qu’aucun magasin de Montréal ou même du Canada ne peut soutenir la comparaison. Son aménagement relève de l’art déco, alors très en vogue tant à Paris qu’à New York.
Aux périodes les plus achalandées de l’année, le magasin fourmille d’employé(e)s : on en compte jusqu’à 65, alors que les plus grandes entreprises montréalaises de l’époque dirigées par des femmes emploient rarement plus de sept ou huit personnes.
Souscrivant à l’initiative des grands magasins à rayons qui présentent régulièrement des défilés de mode, Yvette Brillon organise dès 1939 des présentations mettant en valeur ses chapeaux. Elle s’associe aux grands couturiers montréalais, dont Raoul-Jean Fouré et Michel Robichaud. Elle est une des premières à présenter de tels défilés entièrement à ses frais dans les plus chics hôtels. Durant plus de vingt ans, ses créations prennent la vedette au Ritz-Carlton, à l’hôtel Windsor, au Château Champlain, à l’hôtel Mont-Royal et au Reine Élizabeth. Cinq à six mille invitations sont envoyées deux fois l’an, pour la mode printemps-été et pour la mode automne-hiver, et les salles de bal où se tiennent ces événements sont toujours pleines à craquer.
Généreusement, elle prodigue ses conseils à chacune de ses clientes et toutes se la disputent, qui pour un mariage, qui pour une première communion, qui pour une fonction officielle à Québec ou à Ottawa.
Sa clientèle se compose alors des épouses des premiers ministres et des ministres provinciaux et fédéraux, des gens d’affaires, des animatrices de la radio et des comédiennes de la télévision naissante.
Ses chapeaux sont prisés tout autant des femmes célèbres et très en vue que de milliers de Québécoises tout simplement élégantes et soucieuses de leur tenue vestimentaire.
En 1954, le feu ravage le magasin de la rue Saint-Denis et Yvette Brillon s’installe temporairement sur la rue University, puis aménage un nouveau salon au 1122, rue Sherbrooke Ouest. Le magasin de la rue Saint-Denis est toutefois remis en état et reste ouvert encore presque deux ans avant sa fermeture en 1956. Avec les années 1960, un vent de folie souffle sur la mode occidentale et les femmes révisent en profondeur leur façon de se coiffer et de se vêtir. Yvette Brillon doit réduire peu à peu ses activités de chapellerie. En 1970, elle quitte la rue Sherbrooke pour travailler à son domicile, à Longueuil, et entreprend à 63 ans de confectionner des robes sur mesure, ce qu’elle fera toujours avec la même ferveur créatrice. Aujourd’hui, si le chapeau semble délogé de sa place privilégiée, Yvette Brillon demeure pour des milliers de femmes la grande chapelière de l’histoire de la mode au Canada.
Sources
Giroux, Jacqueline. Yvette Brillon. Femme de cœur et femme de têtes, Longueuil, La Société historique du marigot de Longueuil, 1989, 116 p.
Date de publication
01/10/2004
Rédaction
Jacqueline Giroux, Dicomode
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